Au Sénégal, le Scrabble aussi se déconfine

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L e champion du Sénégal de Scrabble, Mouhamed Niang, avec d’autres joueurs dans une école de Guédiawaye, en banlieue de Dakar, le 3 juillet 2021. SEYLLOU/AFP

Au plus fort de la pandémie de Covid-19, les joueurs de Scrabble du Sénégal ont dû se contenter de compétitions en ligne pour garder la main. Mais depuis quelques semaines, ils ont pu rompre avec le « virtuel » et se retrouvent à nouveau pour des face-à-face conviviaux et passionnés.

Ce samedi matin de la fin juin, ils sont même plus nombreux que prévu à rallier l’esplanade du lycée de Bambilor, à une quarantaine de kilomètres de Dakar. « Il faut chercher d’autres plateaux », lance, un soupçon de panique dans la voix, le président de la Fédération sénégalaise de Scrabble, Malick Ndiagne. Il avait prévu quinze plateaux, pour les trente joueurs inscrits, mais ils sont finalement cinquante-deux, dont la plupart se sont déjà rencontrés en ligne, à participer aux retrouvailles dans le monde réel.

« Wesh », « wads », « ska », « fol »… pendant une dizaine d’heures, ils vont tenter de vaincre l’adversaire en alignant des mots sur les 225 cases du célèbre jeu de société, né dans les années 1930. « Avec la pandémie, le Scrabble était dans l’eau. Il n’a pu survivre que grâce aux clubs virtuels », souligne dans un bref discours avant le lancement des hostilités le doyen des « scrabbleurs » au Sénégal, Madické Fall, 65 ans, dont quarante ans de jeu.

Champion du monde

Alors que le nombre de contaminations a recommencé à grimper au Sénégal depuis la fin mai, faisant planer de nouveaux nuages sur la pratique de ce sport de l’esprit, la fédération sénégalaise, créée dans les années 1980, entend perpétuer une longue tradition auréolée de prestigieux prix internationaux.

Le pays francophone d’Afrique de l’Ouest compte quelques grands noms du Scrabble, dont Ndongo Samba Sylla, champion du monde dans la catégorie « blitz » (rapide) en 2002 et triple champion du monde par paire (2000, 2007 et 2016).

Le Sénégal a été plusieurs fois champion d’Afrique de Scrabble francophone par équipe. Il vient de terminer quatrième de la compétition continentale, derrière le Cameroun, champion lors de l’édition 2021 qui s’est déroulée en mai à Dakar.

« Le Scrabble me permet de mieux apprendre le français et de mieux m’exprimer, car en famille ou entre amis, au Sénégal, on s’exprime surtout en wolof », explique l’un des compétiteurs, Ahmed Kane, en sirotant un thé sucré à l’ombre des arbres bordant le lycée de Bambilor.

Ce commerçant dakarois, qui a remporté des tournois en ligne organisés par des clubs virtuels aux drôles de noms tels que Pour les passionnés, Go-mania ou « Cosa Nostra Scrabble », franchit plusieurs tours, mais est sorti en quart de finale.

« Le jeu en présentiel est plus difficile », estime Malick Diagne, car contrairement aux tournois en ligne, il n’est pas possible de s’aider d’un dictionnaire ou d’un ordinateur.

Petite enveloppe

Seule femme à prendre part au tournoi, Fatoumata Diallo, 27 ans, est quant à elle surtout venue pour apprendre en se frottant aux « professionnels », dit-elle.

Le vainqueur du jour s’appelle Cheikh Anta Dianka. Avec 463 points, il bat largement son adversaire en finale (422 points), après avoir vaincu lors d’un tour précédant l’actuel champion du Sénégal de Scrabble classique, Mohammed Niang. Ses lots : un trophée, un dictionnaire et une modeste enveloppe.

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« Le Scrabble ne rapporte presque rien », concède Mohammed Sy, qui participait à un tournoi en « duplicate » (chaque participant est seul devant son plateau et planche sur le même tirage de lettres que les autres) organisé la semaine suivante à l’école primaire de Guediawaye, dans la banlieue de la capitale.

« Parfois, ma femme se moque de moi et dit préférer la pêche au Scrabble, car au moins un pêcheur ramène du poisson à la maison, tandis que moi rien du tout », dit en souriant le quadragénaire. A défaut d’intéresser son épouse, il a décidé d’initier au Scrabble sa fille de 17 ans, Issakha Marie Nguyen Diallo.

Le Monde avec AFP

Le monde du Scrabble s’interroge sur l’interdiction des insultes racistes et sexistes en compétition

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Partie de Scrabble dans l’Eure, pendant l’épidémie de Covid-19. PHILIPPE LISSAC / GODONG / PHOTONONSTOP

Le monde du Scrabble se déchire autour d’une question de vocabulaire. Jusqu’ici rien de surprenant. Sauf que ces mots interrogent en profondeur notre société : faut-il supprimer les insultes raciales et anti-LGBT+ des tournois et des dictionnaires officiels ? Le débat a été ouvert par l’Association nord-américaine des joueurs de Scrabble (ou Naspa, pour North American Scrabble Players Association, en anglais), qui a annoncé son intention de bannir 225 mots insultants ou discriminatoires ayant trait au genre, à l’origine ethnique ou à l’orientation sexuelle de la liste des termes utilisés en compétition.

C’est un champion du jeu de société, Cesar del Solar, qui a soulevé la question en demandant à la Naspa de proscrire l’utilisation de ces mots en tournoi, au premier rang desquels le fameux N word, expression remplaçant le terme nigger (« nègre ») aux Etats-Unis. Sa requête s’inscrit dans le contexte du mouvement Black Lives Matter, déclenché par la mort de George Floyd aux Etats-Unis, qui questionne le rôle du langage dans la propagation des clichés racistes.

« Il n’est pas difficile de retirer 238 mots »

Interpellé par des posts sur le sujet publiés par plusieurs joueurs sur un groupe Facebook, le président de la Naspa, John Chew, leur a répondu dans le bulletin officiel de la ligue qu’il n’était « pas difficile de retirer 238 mots [les 225 termes ciblés plus leurs déclinaisons], qui ont tous des significations offensantes » et que cette décision, si elle est entérinée, pourrait être effective le 1er septembre 2020.

Dans un entretien à l’agence de presse Reuters, John Chew a développé sa pensée :

« On nous dit, quand on entre pour la première fois dans un club de Scrabble, que les mots n’ont pas de signification sur un plateau de Scrabble. La plupart des gens l’acceptent sans problème. Mais d’autres n’acceptent pas que le “N word” soit traité comme s’il n’avait aucune signification. Ces gens finissent par ne plus faire partie de notre communauté, et c’est un problème fondamental que nous devons régler. »

Le sujet a été longuement débattu, par courrier électronique et sur l’application de visioconférence Zoom, par les membres de l’association de Scrabble. John Chew a aussi appelé les internautes – membres ou non de la ligue – à donner leurs avis sur une page spécialement cobsacrée. « Le Conseil consultatif examinera attentivement les réponses avant de prendre une décision », précise-t-il.

« Les insultes ne sont autorisées sous aucune forme »

A la suite de cet examen, John Chew pourrait annoncer la suppression dès le 1er septembre 2020 de toutes les insultes racistes, homophobes ou transphobes de la liste de mots autorisés dans les clubs et tournois officiels, si le conseil consultatif le juge nécessaire. Mais il ne cache pas que son avis personnel est arrêté, à en croire ses déclarations au New York Times :

« Quand des gens meurent dans les rues dans un contexte de tensions raciales et que ce mot [N word] a encore tant de pouvoir, il faut se dire que nous jouons à un simple jeu et que nous devons faire ce que nous pouvons pour aider, à notre façon. »

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Hasbro, la société qui possède les droits du Scrabble en Amérique du Nord, a d’ores et déjà apporté son soutien à l’initiative. La porte-parole de la société américaine, Julie Duffy, a ainsi déclaré au New York Times qu’une note figurerait sur le règlement du jeu vendu au grand public précisant « que ces insultes ne sont autorisées sous aucune forme de jeu ».

Alors que la Naspa contrôle la liste de mots autorisés pour les tournois, Hasbro fournit le lexique qui constitue la base de toutes les versions de Scrabble. Avec ce soutien, les mots interdits pourraient donc également être supprimés des versions numériques du jeu ou des jeux sous licence, qui exploitent le dictionnaire officiel du Scrabble.

« C’est juste un mot »

Ce n’est pas la première fois qu’Hasbro supprime des mots du jeu. L’Anti-Defamation League (« Ligue antidiffamation »), une organisation non gouvernementale américaine, avait déjà réussi à faire pression pour supprimer des termes antisémites du dictionnaire officiel dans les années 1990.

Cette initiative ne fait cependant pas l’unanimité parmi les joueurs et les membres de la Naspa. « C’est juste un mot. Le simple fait de le jouer sur un plateau de Scrabble ne veut pas dire que le joueur entend être offensant », a réagi auprès de Reuters le joueur nigérian Wellington Jighere, champion du monde 2015, et actuel 8e joueur mondial.

« Rendre certains mots inéligibles à un jeu de société ne les fera pas disparaître, ni les sentiments qu’ils portent »

« Le contexte dans lequel nous faisons usage de ces mots est important, explique au Monde Stefan Fatsis, auteur du livre sur le monde du Scrabble Word Freak : Heartbreak, Triumph, Genius, and Obsession in the World of Competitive Scrabble Player (2001, non traduit). Pendant une compétition, le sens des mots ne compte pas. Surtout que les mots ne sont pas prononcés à haute voix et ils ne sont jamais dirigés contre un adversaire. »

L’auteur a conscience que les termes insultants ne perdent pas leur sens pour autant, mais il s’interroge sur la portée réelle de leur bannissement d’un jeu : « Rendre certains mots inéligibles à un jeu de société – les supprimer des dictionnaires ou interdire les livres qui les incluent – ne les fera pas disparaître, ni les sentiments qu’ils portent. »

« Coller aux évolutions de la société »

De ce côté de l’Atlantique, la Fédération française de Scrabble (FFSc) réédite son dictionnaire tous les quatre ans. « L’idée est de coller aux évolutions de la société », explique au Monde Marie-Odile Panau, présidente de la FFSc. Mais les mots racistes comme « négro » ou « chinetoque » n’ont été supprimés que récemment, dans la huitième édition de L’Officiel du Scrabble (ODS) publiée par Larousse en juin 2020.

« Cette décision n’est pas en lien avec l’actualité, notre comité débattait de ce sujet sensible depuis de nombreuses années, explique au Monde Florian Lévy, président du comité de rédaction du dictionnaire depuis 2006. Longtemps, nous ne souhaitions qu’il ne soit touché aux termes à connotation raciste qu’en cas d’obligation absolue par Larousse, l’éditeur de l’ODS, qui peut toujours brandir son veto éditorial. »

Plusieurs insultes, telles que « salope », « ritale » ou « enculé », figurent toujours dans le dictionnaire papier de l’ODS : « On ne peut quand même pas éditer une version allégée du dictionnaire dont on aurait banni tous ces termes. D’ailleurs, où fixer la limite entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ? », interroge Florian Lévy :

« Le lexique est à l’image de la vie : le meilleur y côtoie souvent le pire. Nos dictionnaires de référence se contentent d’observer l’évolution de la langue et d’enregistrer ce qu’il se dit. On a parfaitement le droit de déplorer la présence de tels mots dans le lexique, on a encore plus le droit de ne pas les utiliser dans son propre discours, mais on ne peut pas en nier l’existence. »

Euro 2021 : les Gallois arrachent le match nul face aux Suisses

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La Suisse et le Pays de Galles se séparent sur un nul

Pour cette deuxième rencontre du Groupe A, Suisses et Gallois n’ont pas réussi à se départager au terme des 90 minutes (1-1). Après une première période globalement dominée par les Suisses, mais vierge de buts, tout s’est accéléré lors du deuxième acte. Dans la foulée d’un Breel Embolo intenable, la Nati a largement accéléré dès le retour des vestiaires, et la différence est justement venue de l’attaquant. Sur un corner de Shaqiri, il s’est envolé plus haut que tout le monde pour ouvrir la marque (49e).

Contraints de marquer, les Gallois ont ouvert le jeu et le match a gagné en rythme. Et alors que les Suisses semblaient proches du 2 à 0, c’est finalement Moore de la tête qui a permis aux Dragons rouges d’égaliser (74e), en reprenant bien un centre de Morrell. Un but un peu inespéré pour les coéquipiers de Gareth Bale, capitaine un peu invisible d’une équipe qui pouvait alors largement se satisfaire de tenir de nouveau le point du match nul.